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Jean-Luc Michel

NTIC et alternance politique en 1986.

 

Les nouvelles orientations politiquesÉ

Le dernier SICOB du CNIT vient de fermer ses portes (merci les siglesÉ). Ce salon restant encore le temps fort des annonces dans le monde de l'informatique professionnelle, nous pouvons en profiter pour faire le point de cette rentrée. Peu de choses qui nous concernent très directement à l'exception d'une déclaration générale du Premier Ministre dans laquelle, après avoir rappelé que « le plan Informatique pour tous s'est déroulé comme prévu », il a insisté sur les  suites de l'opération « qu'il faut soigner davantage », ce qui passe par des mesures non détaillées visant à « bien préparer les enseignants » et à « leur donner des indications précises ». Gageons qu'avec ces «  indications précises », on n'oubliera pas les moyens afférents à un moment où le plan IPT va devoir trouver son rythme de croisière ou son second souffle, selon les situations locales. J. Chirac, sans les nommer, a également fait des allusions très directes à « la suppression de certains organismes » faisant partie d'« une nébuleuse d'institutions » en matière d'informatique. Il s'agit évidemment du ÒCentre Mondial pour l'informatique et la ressource humaineÓ, très directement dans le colimateur depuis plusieurs mois, ainsi que de l'Agence de l'informatique (dont l'action a elle aussi été beaucoup critiquée et qui critiquait elle-même les actions du Centre mondialÉ). La nouvelle logique du gouvernement sera essentiellement de « diminuer les aides à la demande », lesquelles n'ont produit aucun effet décisif sur le marché. Il est vrai qu'avec des logiciels vendus à un ou deux exemplaires, l'Agence de l'informatique prêtait le flan à ce genre de critiques depuis de longs mois. Espérons que les pouvoirs publics auront au moins à cÏur de récupérer les nombreuses expériences très intéressantes menées par l'Agence et n'accroîtront pas le gaspillage qu'ils dénoncent en rejetant tout en bloc. On peut aussi leur suggérer de consacrer une partie des (importantes) sommes récupérées aux actions programmées en milieu éducatif (production de didacticiels ouverts et paramétrables comme nous les avons déjà décrits dans ces colonnes). D'autres responsables sont intervenus, comme G. Longuet (PTT), pour lequel « la péréquation [en matière de tarifs de télécom- municationsÉ] a vécu. ». Si la péréquation des coûts constitue bien encore une des conquêtes les plus sensibles de la vie en société (capitaliste ou socialiste), et que le libéralisme « new look » veut aussi la supprimer, on peut en conclure que ce ne sont plus des libéraux qui nous parlent, mais d'authentiques anarchistes, puisqu'ils nient la base de l'organisation sociétale (pour ne pas dire « sociale ». Autant le savoir (!¡É). Parmi des mesures qui nous concernent plus directement, Alain Madelin a été très clair : « les contraintes qui pèsent sur les achats des administrations sont supprimées (É). Les entreprises nationales et les établissement publics, qui sont soumis aux lois du marché, retrouvent une complète autonomie de décision pour leur politique informatique. ». Ce qui veut dire que nous pourrons (enfin) nous équiper comme nous l'entendons (si nous avons les crédits que le « marché » voudra bien nous accorder !É).

Du côté des logiciels :

Le SICOB visant le marché professionnel, aucune annonce spécifique à l'éducation (il faudra attendre Educatec en décembre). Signalons cependant la version professionnelle du nanoréseau de Léanord (reliant des machines au standard IBM-PC) qui offre beaucoup de fonctionnalités intéressantes, une puissance et une souplesse incomparablement supérieures à celles de la version pour l'Education Nationale. La tendance générale est évidemment à la baisse des prix (plusieurs stars du marché sont proposées à des tarifs divisés par deux ou par trois, par Amstrad notamment). La seule parade pour maintenir des tarifs élevés consiste en une instauration quasi-systématique de « hot lines » offrant aux acheteurs de logiciels (ou de matériels) sophistiqués une assistance permanente de « plusieurs ingénieurs en ligne » (téléphoniqueÉ). Nos éditeurs nationaux pourraient reprendre cette idée et l'offrir comme un « plus ». Des accords internationaux (au plus haut niveau, c'est-à-dire entre ceux qui détiennent des parts importantes dans le marché mondial) ne cessent d'être signés pour ce qui concerne les disques optiques numériques de données (CD-ROM) à lecture laser (sur les mêmes mécaniques que les actuels « disques compacts »), ce qui laisse augurer la possibilité de disposer d'immenses bases de données pour des prix incroyablement réduits. L'accès à ces données constituant un passage obligé de l'éducation d'aujourd'hui, nous ne pouvons que nous en réjouir. A signaler enfin les ensembles de numérisation de textes imprimés ou dactylographiés. Il s'agit de logiciels assez extraordinaires, qui associés à des scanners, (à base de diodes photo-émissives) permettent d'obtenir sur son ordinateur une copie directe des textes numérisés (sans être obligé de tout dactylo- graphierÉ). Cette copie peut ensuite être traitée dans n'importe quel progiciel (traitement de texte, base de données, etc.). Naturellement, les tarifs sont encore très élevés (au moins 50 000 F), mais le jour n'est peut-être pas éloigné où chaque CDI pourra en disposer pour créer ainsi ses propres bases de données (on pourrait peut-être commencer à s'équiper, au moins au niveau des CR ou CDDP). Précisons que parmi les sociétés les plus en pointe (au plan mondial), Infotique, une société française présente des produits intégrés très attractifs. Du côté des matériels :

L'imbrication entre logiciels et matériels ne cessant de croître, il devient de plus en plus difficile de classer les nouveautés les plus marquantes. Du côté des machines, deux grandes annonces, de nature à changer le paysage éducatif et familial (puisque l'on continue hélas de confondre ces deux domaines), l'une chez Amstrad et sa gamme PC (Personnal Computer, c'est-à-dire au standard professionnel d'IBM), l'autre chez Apple (le nouvel Apple 2 GS). Les modèles proposés par Amstrad semblent offrir des rapports qualité-prix tout à fait extraordinaires, battant même les compatibles « made in Taïwan ». IBM qui ne vend plus qu'environ 40% des machines PC va sûrement réagir, en faisant évoluer le standard vers le haut, ce qui veut dire que PC-DOS est pour le moment LE standard profes- sionnel, mais personne ne sait pour combien de temps encore. C'est le seul risque (très mesuré pour les usages familiaux) des acheteurs d'Amstrad. Mais la durée de vie moyenne d'une gamme étant de deux à trois ans, on ne risque pas grand chose, à condition qu'Amstrad ait le « fair play » de permettre à ses fidèles de récupérer leurs données forcément précieuses (il faudra peut-être prévoir une passerelle entre les disquettes de 3 pouces et celles de 3,5 poucesÉ). Chez Apple, l'annonce majeure est le nouveau modèle 2 GS, doté lui-aussi de caractéristiques assez étonnantes (graphiques et sonores). Ce qui nous paraît le plus intéressant est la possibilité (encore une fois le « fair play », de récupérer pratiquement toutes ses données alors que l'on passe d'un processeur ancien de 8 bits à un nouveau modèle de 16 bits grâce à une « émulation » (l'ancien ordinateur se trouve dans le nouveau, sous la forme d'une puce de 2 cm de côté !). Et pour montrer que les premiers acheteurs ont eu raison de lui avoir fait confiance, Apple va offrir dès 87 une opération de « mise à niveau » (« upgrade ») des anciens modèles 2 à des conditions très avantageuses (à l'instar de ce qui a été déjà fait pour le passage au MacIntosh Plus). De sorte que le stock de milliers de logiciels soit toujours utilisable, car au-delà des standards, sur lesquels on parle beaucoup, le plus important en informatique, c'est bien de pouvoir récupérer ses données personnelles, textes, fichiers ou pro- grammes quelles que soient des évolutions technologiques par ailleurs indispensables.

Comme nous l'avions déjà souligné à diverses reprises, il serait bon que nos constructeurs nationaux s'inspirent de cette politique commerciale. Du côté de chez Thomson, les MO 6 et TO 8 vont essayer de faire carrière, mais la concurrence va être terrible. Vu les segments auquels s'attaquent Amstrad (5 à 15 000 F) et Apple (10 à 15 000 F), la gamme Thomson se situant dans la même fourchette de prix va beaucoup souffrir. Nous ne voyons que deux solutions : de vraies nouvelles machines (avec peut-être des mises à niveau alléchantes) ou une très forte baisse des prix (notamment vis-à-vis des enseignants à l'heure de compléter les dotations IPT).

L'École libératrice - 09/1986

 

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Articles de vulgarisation

Commentaire

Article paru en septembre 1986 présentant l'orientation stratégique du nouveau Premier ministre (Jacques Chirac) et du ministre de l'Education nationale, M. Monory. Nous y attaquions entre autres Gérard Longuet et sa dénonciation de la péréquation. Cet article donne bien le ton de l'époque. J'étais "coincé" entre les suites du plan Informatique pour tous que je désapprouvais totalement et la critique du nouveau gouvernement. D'ailleurs, le nouveau rédacteur en chef de l'Ecole Libératrice me demanda par courrier de ne pas trop critiquer les productions liées à "Informatique pour tous". Les décisions de la gauche étaient forcément bonnes…

 

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