Grand édifice mameluk du XIV ème siècle, cette moquée a été érigée sous le règne du sultan An-Nâsir al-Hasan entre 1356 et 1363. Contrairement à d’autres édifices, il y eut assez peu de retouches, ce qui en fait un témoignage irremplaçable du grand art mameluk (ou mamelouk). Pour nous, avec quelques autres petites mosquées, c’est un des chefs d’œuvre architecturaux du Caire.

Comme quelques autres cette mosquée (à gauche sur le cliché ci-contre) est également une Madrassa, c'est-à-dire une école coranique. La cour intérieure est flanquée sur chaque extrémité d’un Iwan abritant une de ces écoles d’interprétation juridiques (madhhab) de l'Islam sunnite :

L’Ecole hanafite. C’est la plus ancienne et la plus répandue, fondée en Irak avec les Omeyiades au VII ème et VIII ème siècles. Parmi ses présupposés, on trouve l’idée que la coutume locale entre dans la règle religieuse si elle ne contredit pas ce qui est écrit ailleurs. Ceci peut expliquer les comportements vestimentaires. Il n’y a pas décrits qui les interdit, donc la coutume «locale peut s’imposer. A l’inverse, c’est aussi la plus libérale, qui admet le raisonnement par analogie quand il n’y a pas de texte qui prescrive un sujet donné. Elle s’est largement inspirée du droit romain, comme la curatelle par exemple. On peut y voir aussi des traces de libre arbitre et d’autonomie de la pensée.

Naturellement, cette ambivalence (Liberté dictée par une certaine rationalité/contrainte du local) peut être discutée, je ne suis pas spécialiste de théologie musulmane.

L’Ecole hanbalite (VIII et IX èmes siècles) est clairement la plus traditionaliste ou fondamentaliste… Elle a des liens avec l’Imam Mâlik, sans lui être directement rattachée et  se trouve fortement représentée en Arabie Saoudite. Ses interprétations ne sont jamais directes mais toujours au second degré (disciples des disciples). En principe, le texte prime toujours la déduction logique et personnelle. L’analogie n’est employée qu’en tout dernier recours.

L’Ecole chaféite (VIII et IX èmes siècles) est assez largement représentée en Egypte bien que rédigée en Irak. Partant des même présupposés que les autres (primat des textes sacrés) elle préfère une pensée relationniste à l’analogie. En d’autres termes, elle cherche le rôle des circonstances antérieures sur les postérieures, ce qui la conduit maintenir une interprétation, une attitude ou un comportement tant qu’un fait n’est pas venu en contradiction. Le primat à la tradition se construit sur la force de l’usage en cherchant à montrer que le passé reste toujours présent même lorsque les circonstances tendent à le faire oublier. Et qu’alors, il convient de toujours s’en inspirer tant qu’un fait ne vient pas en opposition. J’aurais tendance à dire que c’un traditionalisme phylogénétique pour reprendre nos catégories usuelles (mais là aussi, on peut en discuter…).

L’ecole malékite (VIII ème siècle) est fondé sur l’enseignement de l’Imam Mâlik. Ce serait la troisième école en nombre de pratiquants et la première en France (parce que fortement représentée au Maghreb). Aux sources écrites posées comme bases des trois autres écoles, elle ajoute un recueil de pratiques des premiers musulmans de Médine. Pour Mâlik, le mode de vie des habitants des premiers temps de Médine devenait une Sounna (règle) appliquée et applicable. De même, il se méfiait de l’analogie, la trouvant trop subjective tout en essayant de chercher l’intérêt commun (toujours s’il n’est pas en opposition avec les textes ou les pratiques). Comme l’Ecole hanafite, le malikisme accorde une grande importance aux coutumes locales et les inclut dans les règles si elles ne rencontrent pas d’opposition. 

J’espère que cet effort d’explication aura un peu clarifié les choses, au moins dans la perspective sunnite…

La question qui se pose toujours, quelle que soit l’école, reste celle du libre arbitre et du poids de la tradition locale par rapport aux textes. Elle peut expliquer les difficultés philosophiques (et théologiques) de l’Islam à intégrer la modernité. L’autre aspect est que ces discussions qui pourraient n’être que théologiques sont aussi juridiques, c'est-à-dire imposent des règles à la société. Mais ceci est un autre débat !!

Pour en revenir à la mosquée el Hassan, nous avons la chance de pouvoir nous faire ouvrir son plus beau joyau, d’habitude peu accessible et assez mal entretenu : la grande salle du cénotaphe (Le sultan Hassan ayant été exécuté, ce seraient ses deux fils qui seraient enterrés). Le plafond de cette salle est extraordinaire. Ses muqarnas sont peut-être les plus beaux de toute l’Egypte et rivalisent avec les meilleures réalisations mozarabes d’Andalousie.

Les deux minarets atteignent 81 m. L’un d’entre eux s’est effondré pendant la construction en tuant des centaines de personnes.




Matériel : Nikon D3S, zoom 14-24 mm f:2,8 et autres optiques Nikon f:2,8/180 mm, f:1,4/50 mm, f:2,8/105 mm, f:1,4/35 mm.




 
La mosquée Sultan Hassan