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Jean-Luc Michel

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Chapitre "Articles"

Les ordinateurs et nous !

Nous reprenons cette série sur l'ORDINATEUR AU QUOTIDIEN en espérant que cette année scolaire va enfin voir la situation de l'informatique à l'école évoluer de manière significative. Ainsi que nous en rendrons compte dans de prochaines fiches, il semblerait que le Ministère de l'Éducation Nationale s'engage dans une voie plus décidée et résolue, correspondant d'ailleurs en partie à certaines des idées que nous avons défendues dans ces colonnes. La rentrée se trouvant placée encore plus que de coutume sous le signe de l'informatique, nous allons brièvement rappeler les principaux enjeux de l'introduction des technologies didactiques à l'école.

En effet, s'il peut paraître s'agir d'une mode, il semble que les enjeux dépassent de loin la quotidienneté des faits de société, même élémentaires. C'est pourquoi nous allons nous pencher dans cette première fiche de l'année, sur les principaux enjeux qui justifient vraiment de mettre un ordinateur dans sa classe.

LA PRESSION INFORMATIQUE

Nous ne cessons d'entendre parler d'informatique, de télématique ou d'ordinateurs, et dans un contexte où l'opinion publique est sans cesse sollicitée à attendre de ces enseignants des preuves de leur modernité, nous ne pouvons nous permettre de faire le dos rond en attendant des jours meilleurs, c'est à dire une nouvelle mode... Il serait dangereux pour la profession, pour l'institution et en fin de compte pour les élèves eux mêmes d'ignorer ou de feindre d'ignorer que la révolution médiatique (*) gronde à nos portes. Il y aurait fort à craindre qu'à défaut de défenseurs d'une citadelle assiégée, nous ne passions plutôt pour des conservateurs (au sens propre...) de modes de vie et de pensée qu'une bonne partie de nos concitoyens (entre autres dans les associations de parents d'élèves) considèrent comme dépassés et périmés. Le danger paraît grand et il importe d'en être bien conscient pour savoir y répondre. On en profitera éventuellement pour montrer que ce qui compte dans la modernisation culturelle, c'est avant tout l'effort de formation de base pour tous les citoyens de demain. Il sera dès lors facile de souligner les limites de la formalisation, ou des généralisations hâtives imposées parfois outrancièrement par la science informatique. Si l'on veut se ménager le moindre recul critique personnel vis à vis de l'informatique et des technologies de la communication (en y incluant entre autres l'audiovisuel), on ne peut se permettre de rester longtemps à l'extérieur du système, comme protégé dans ce qui sera nécessairement perçu comme une tour d'ivoire (au risque de revoir poindre l'accusation tristement célèbre de nanti économiquement et intellectuellement).

Il ne s'agit pas de se trouver à la fois dedans et dehors, mais de connaître suffisamment bien les techniques audiovisuelles et informatique pour savoir choisir au bon moment de son action pédagogique les méthodes les mieux adaptées et les plus efficaces. Si l'on estime devoir intervenir aussi sur le terrain de la consommation informatique et télématique des élèves (comme hier certains essayaient de récupérer une petite partie des émissions de télévision), il importe, pour rester un tant soit peu crédible de bien connaître (on pourrait dire de l'intérieur) les principaux produits éducatifs disponibles sur le marché... Il importe aussi d'avoir suffisamment réfléchi aux diverses stratégies audiovisuelles et informatique, donc télématiques, mises en oeuvre tant au cours de leur élaboration que de leur diffusion. Comme on le constatera, cette analyse renvoie à une formation initiale ou continue à la hauteur des enjeux et des objectifs. Est-ce à croire pour autant qu'il faille attendre la manne des stages d'initiation à l'informatique pour entreprendre quelque chose dans sa classe ? Ou encore qu'il faille se contenter de participer pendant quelques jours ou heures à une quelconque session ? Évidemment non. Avec l'informatique comme avec tous les autres domaines de la connaissance, point n'est besoin d'attendre pour persévérer...

AU DELA D'UNE MODE...

L'ordinateur commence à entrer dans les classes, et il n'est pas près d'en sortir... C'est ainsi que l'on pourrait résumer la situation actuelle et l'avenir prévisible de l'informatique et de l'enseignement. En vérité, on n'a cessé d'assister à une sorte de partie de cache-cache entre les machines, les élèves, les enseignants et les classes. Et s'il paraît évident que tout ne pourra être fait partout tout de suite, on peut néanmoins observer que nous sommes parmi les plus lents et les plus en retard sur ce terrain. Nous nous sommes déjà penchés sur les modalités de l'informatisation des établissements (*), aussi nous n'y reviendrons pas ici. En revanche, nous insisterons davantage sur les enjeux fondamentaux ( ) en distinguant brièvement les principaux :

1). Le concept d'école concurrente ( *) qui va progressivement remplacer en beaucoup plus dangereux celui de l'école parallèle, ce qui risque d'entraîner à terme une dissolution de l'école elle-même... La parade semble simple : Rendre l'école aussi attractive que possible, sans pour autant sombrer dans le superficiel des mass médias...

2). L'éducation du citoyen-consommateur des sociétés de l'information et de la communication, ce qui suppose une large ouverture créatrice aux techniques modernes...

3). La découverte et la pratique de la complémentarité des médias, ou en d'autres termes, un entraînement suffisant aux multiples transformations subies par un message entre sa conception et sa réception, notamment en fonction du support informatique ou audiovisuel. Parvenir à situer qui dit quoi à qui et comment nous semble constituer une sorte de préalable à toute future participation responsable à la vie dans la société.

4). Une solide connaissance de l'histoire des sciences et des techniques, non pas événementielle mais transdisciplinaire et thématique.

5). Une solide culture générale seule garante des capacités à continuer d'apprendre tout au long de sa vie professionnelle, voire extra-professionnelle.

COMMENT COMMENCER ?

Il semble tout à fait impossible de restituer l'extraordinaire diversité des situations de départ qui ont amené des collègues enseignants à se lancer dans l'informatique. Il n'y a pas de bonne méthode, et tout au plus peut-on considérer que certaines expérimentations sont rarement parties de rien. Il faut de préférence au début une ou plusieurs personnes intéressées, non rebutées et non rebutantes pour les autres (de ce point de vue, le groupe de spécialistes, généralement, des scientifiques, dont les membres s'isolent en devenant très tôt les seuls maîtres de la machines se comporterait plutôt quand il existe, comme un agent bloquant vis à vis des autres collègues). S'il fallait recenser les situations de départ les plus couramment rencontrées, on risquerait quelques surprises de taille, en particulier en constatant que les groupes de spécialistes n'obtiennent pas toujours les meilleurs résultats du point de vue de l'efficacité des démarches employées. On verrait aussi que les approches interdisciplinaires, encore assez rares, apportent bien souvent d'autres éléments de rénovation extrêmement positifs du point de vue de l'efficacité globale. On remarquerait enfin que l'informatique se comporte parfois comme un vecteur de constitution de petites équipes pédagogiques, ce qui constitue une retombée non négligeable...

* Puisqu'au traditionnel SICOB se sont ajoutées de nombreuses déclarations ministérielles... Le jargon informatique nÕest pas un des moins développés...

Sur les problèmes de la culture médiatique, cf. EL n° 14 du 14/1/84 * Cf EL n° 20 et 21 des 5 et 19/03/83 Cf EL n° 6 du 5/11/83 * Cf EL n° 4 du 8/10/83

Jean-Luc MICHEL

1984

 

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Commentaire

Article paru à la rentrée 1984 destiné à récapituler nos thèses et tenter d'impulser un souffle nouveau au ministre de l'Education nationale, Jean-Pierre Chevènement.

Un mois après, je fus contacté par MM. Gaston Defferre et Jean-Jacques Servan-Schreiber pour concevoir ce qui allait devenir le plan (complètement raté parce que saboté) Informatique pour tous.

Je suis particulièrement heureux de l'analyse développée dans cet article… et malheureux qu'en 2000 nous soyons si loin de ce que l'on pouvait faire en 1984.

Qui demandera des comptes pour ces décisions ineptes ?