LE PLAN HAMON POUR L’INFORMATIQUE A L’ECOLE


 
 

Feuille de route pour la nouvelle ministre de l’Education



Après le changement de ministre et l’affaire du « code » à l’école, c’est peut-être le moment de relancer l’idée d’une informatisation massive de tout l’enseignement français associant l’Etat et les collectivités territoriales, dans le temps scolaire et le péri-scolaire.

La feuille de route exposée ici vise à concilier la baisse – tendancielle à terme - du nombre de postes de fonctionnaires, l’augmentation de l’efficacité du système, la revalorisation des carrières enseignantes et la réponse aux défis que la concurrence mondiale nous impose, c'est-à-dire former plus et mieux des citoyens susceptibles de produire des richesses tout en leur permettant de mieux vivre en se sentant intégrés et utiles à la société.

La France est bien placée dans le génie logiciel, la logique, la programmation et certains segments des technologies numériques. Un nouveau plan d’informatisation massive de l’enseignement renforcerait ces positions en assurant des marchés pour des années grâce à un leadership sur les technologies de l’intelligence et de la connaissance.

Pour quelle raison le secteur tertiaire (dont l'éducation) ne pourrait-il augmenter son efficacité comme l’ont fait le primaire et le secondaire ? De quelle fatalité les tâches intellectuelles serait-elles atteintes pour ne pouvoir être optimisées ?

Est-il plus difficile de faire apprendre à lire et écrire correctement à l’aide d’ordinateurs que de recevoir des informations et des photos des petites sondes martiennes qui doivent se débrouiller seules dans un univers plus qu’hostile ? Est-il si difficile de faire assimiler les grands principes des sciences naturelles, de l’écologie par des machines qui savent démontrer seules des théorèmes ou simuler des pathologies complexes ?

Quant à répéter que la pédagogie n’est pas – ou ne sera jamais informatisable - parlez en donc à ceux qui utilisent des boîtes de vitesses automatiques dites proactives, qui s’adaptent au style de conduite de plusieurs chauffeurs différents en poussant plus ou moins haut les rapports selon que l’on est nerveux ou placide. Et les contenus de l’enseignement ? La plupart d’entre eux sont formalisables ; on peut les découper en unités autonomes et interactives. Même en philosophie, par exemple pour passer en douceur de la dialectique selon Hegel à Marx ou de la phénoménologie selon  Husserl à Merleau-Ponty. Par quelle perversion a-t-on pu faire croire que bien  connaître les concepts entraverait la qualité ou l’originalité d’un raisonnement ? Ceux qui ont programmé Deeper Blue, le programme informatique qui gagne contre tous les champions du monde d’échecs, ne seraient pas capable de mettre au point un système de dialogue philosophique ludique et structuré ?


Education 21 serait le nom provisoire de ce projet. Voici autour de quelles premières actions il pourrait s’articuler :

-Revaloriser la fonction enseignante en la recentrant sur ses finalités les plus importantes : modélisation, heuristique, (« apprendre à apprendre »)…

-S’appuyer sur les actions anciennes, trop souvent découragées par l’inertie du système éducatif.

-Dans un premier temps : Regagner du temps d’enseignement – et des postes -  en développant des programmes d’assistance à l’évaluation des connaissance des élèves (environ un quart du temps de travail enseignant…).

-Dans un second temps : Initier un grand plan de modernisation de l’enseignement concernant les contenus et la pédagogie, mais aussi son administration qu’il faut simplifier et rationaliser d’urgence.

-Renforcer l’attractivité de la fonction enseignante en montrant que ce plan accroîtrait les responsabilités de transmetteurs de sens, d’éveilleurs de l’intelligence (et avec augmentations des rémunérations à la clé !).

-Initier une ingénierie du logiciel éducatif. Un grand projet européen pourrait être encouragé via des commandes publiques croisées.

-Orienter les commandes de manuels vers les offres interactives en liaison avec le web.

-Développer une formation attractive et de qualité pour les enseignants, susceptible d’entraîner rapidement leur adhésion.

-Offrir un champ d’action attractif aux collectivités territoriales en leur proposant un partenariat actif avec l’Etat dans la mise en œuvre du plan.





Signature placée par la Gazette des Communes pour les deux textes :

Jean-Luc Michel est professeur des universités en communication. Il fut le premier concepteur du plan Informatique pour tous. Il est aussi l’auteur de Education 21, plan pour une informatisation massive de l’enseignement.

Mai 2014



«Codage informatique à l’école» : un bug de plus ?


Dans le JDD du 20 juillet, Benoit Hamon a donné une interview dans laquelle il annonce un nouveau plan pour le « codage informatique » dans l’enseignement. Pour lui, « l'élève doit connaître les principes des langages de programmation et être capable de réaliser des applications utilisant des algorithmes simples. » Dans son élan, il va même beaucoup plus loin en précisant que « le numérique invite à repenser nos méthodes et nos programmes d'enseignement, à rénover nos modes d'évaluation. ». 

Si on remplace « numérique » par informatique et « codage » par langage, on retrouve les déclarations de Laurent Fabius datant de 1984 ! Le Premier ministre souhaitait à l’époque que « l’informatique devienne la seconde langue de tous les petits français ». Et le plan Informatique pour tous s’inspirait d’autres plans initiés par Giscard d’Estaing, repris et amplifiés par Mitterrand. On notera que tous les présidents suivants ont prononcé le même discours sur la modernisation de l’Education, de Chirac à Sarkozy et aujourd’hui Hollande.

Ce n’est pas tout : dans les justifications à ces « efforts » (toujours soulignés comme très importants), on retrouve les mêmes préoccupations de recherche d’une meilleure égalité scolaire, de modernisation, de compétition internationale, mais aussi de nouveau marché pour les entreprises françaises concernées.

En 2014, 30 ans après le plan Fabius qui reste le plus important en budget et en ambitions, on retrouve le même discours. En 1984, le logiciel Elmo 0 de l’Association française pour la lecture proposait déjà toute une stratégie de remédiation en dédramatisant les erreurs des élèves, en les rendant acteurs de leur évaluation. Bien sûr, il ne fut même pas retenu dans la « mallette pédagogique » de l’époque parce que trop ambitieux ou trop dérangeant pour le conformisme des décideurs.

Comme pour les précédents plans, on peut augurer de l’avenir de ces grandes déclarations :

-L’Éducation nationale ne tire aucune leçon du passé et des échecs, de l’argent gaspillé depuis des années.

-De même qu’elle ignore les innombrables rapports et évaluations sur cette question, comme les expériences étrangères réussies.

-Ces plans ne présentent aucune grande vision de nature à mobiliser les acteurs ; seulement des arguments assez simplistes et politiquement corrects. Pas ou peu d’originalité, ni de grandes finalités, rien qui donne envie de s’y investir.

-La part entre la liberté et l’initiative individuelle des enseignants et la bureaucratie du système n’est jamais précisée. 

-De même que la répartition des responsabilités avec les collectivités territoriales.

  1. -De même que l’anachronisme des propos (il y a 30 ans, c’était « la seconde langue », aujourd’hui, c’est « le codage » !).


Que faudrait-il donc pour réussir ?


Ce qu’on attendrait d’un ministre : Une vision globale novatrice et courageuse. Je l’avais intitulée Education 21 en 2007… Et elle reste plus que jamais d’actualité.

Il s’agit de recourir massivement à l’informatique et à tous ses outils en réseaux pour apprendre mieux, plus vite et pour moins cher. Faire baisser les inégalités, réduire le taux d’échec, augmenter les résultats des élèves, les salaires et la motivation des enseignants tout en diminuant les coûts.

Cette nouvelle vision pour l’Éducation est révolutionnaire. Et possible.

Elle reprend la question à la base en commençant par le constat que les enseignants passent une grande partie de leur temps à gérer les évaluations de leurs élèves. En recourant à l’informatique, toutes ces opérations seront effectuées par des programmes, quelles que soient les disciplines.

Quant aux objections selon lesquelles cette tâche serait impossible, est-il vraiment plus difficile de faire apprendre à lire et écrire correctement à l’aide d’ordinateurs que de concevoir les petites sondes martiennes qui doivent se débrouiller seules dans un univers plus qu’hostile ? Est-il si difficile de faire assimiler les grands principes des sciences naturelles, de l’écologie ou de la philosophie par des machines qui savent démontrer seules des théorèmes ou simuler des pathologies complexes ?

Cette informatisation des évaluations et des aides en ligne dégagerait du temps d’enseignement pour les tâches les plus nobles comme l’acquisition des structures mentales, les raisonnements, et plus généralement tout ce qui est du domaine du complexe, de l’ambigu, bref de l’humain. Le gain serait au minimum d’un quart des postes de l’Éducation nationale ! Ainsi, le système éducatif coûterait moins cher, il serait plus efficace en laissant moins de jeunes à la dérive, il valoriserait (et augmenterait) les enseignants dans le cœur de leur métier en leur redonnant de la liberté et de l’initiative et il encouragerait les sociétés de services informatiques françaises.

Le plan Hamon présentant beaucoup de risques d’une répétition des échecs du passé, pourquoi ne pas lui adjoindre Education 21, porteur d’une vision d’avenir qui changerait vraiment le système éducatif ?











L’éphémère ministre de l’Education Benoit Hamon avait entrepris de lancer un «grand plan pour l’informatique à l’école» en 2014.

Ce n’était que des bonnes paroles, ignorant tout des échecs précédents, rien qu’une annonce de plus. De celles qui ruine la crédibilité des responsables politiques.

La Gazette des Communes m'interviewa et me demanda un article de critique de cette annonce.

Ce que je fis avec une certaine délectation, tellement les déclarations du ministre étaient inconséquentes…

Tout ceci ne servit à rien, le ministre fut rapidement limogé (pour d’autres raisons…)

La Gazette me demanda alors une «feuille de route» destinée à la nouvelle ministre… Je revins à la charge avec Education 21

Bien sûr, ce texte ne servit à rien…

Et pourtant, en janvier 1982, j’avais exprimé l'essentiel de ce que devrait être un recours à l’informatique à l'école. Si vous avez du temps, et si le sujet vous intéresse, jetez-y un œil : tout y est pour construire une politique efficace…