HISTOIRE DE La Louisiane



 

les Cotswolds

La fin de la Guerre de Sept ans - Le traité de Paris (10 février 1763)


La France cédait officiellement aux Anglais Saint-Louis au Sénégal, le Canada et ses dépendances (Nouvelle-France), ainsi que les territoires louisianais à l'est du Mississippi. L'Angleterre rendait à la France la Guadeloupe, la Martinique et les établissements français de l'Inde (Pondichéry, Karikal, Mahé, Chandernagor et Yanaon). L'Espagne donnait les Florides à la Grande-Bretagne et recevait de la France la partie orientale de la Louisiane. Ainsi, une partie de celle ci était cédée aux Britanniques, à l’est du Mississipi alors que l'autre partie, à l’ouest, était donnée aux Espagnols.

A l’issue de ce qui peut être considéré comme une première Guerre mondiale car elle se déroula sur tous les continents avec des jeux d’alliances et de contre alliances aussi complexes que contre nature, la France avait perdu toutes ses possessions au Canada et en Amérique. Il ne lui restait plus que… Saint Pierre et Miquelon. Du côté des Indes, ce fut le même fiasco en ne conservant que quelques comptoirs comme Pondichéry. En Europe, la guerre favorisa le début de l’émergence de la Prusse. Bref, presque tous les conflits européens qui allaient suivre pour les 150 années suivantes.

Curieusement, et contre toute attente expansionniste, la couronne britannique interdit à ses ressortissants de s’installer dans une partie des provinces conquises, dont la partie louisianaise, mais aussi très loin à l’Ouest, dans les Appalaches. La raison tient certainement à de la prudence vis à vis des autochtones, pour ne pas s’attirer leurs foudres et peut-être aussi pour gagner du temps afin que de nouveaux colons arrivent et que l’expansion redémarre en force. Pour le Québec, c’était aussi avec l’intention de renforcer en la canalisant une arrivée de colons anglais pour diluer au plus vite la présence française.

Ainsi se termina le Premier Empire colonial français qui partait avec autant d’atouts que ceux des Anglais ou des Espagnols. Est ce un bien ? un mal ?  De toutes façons, les autres pays, essentiellement le Royaume Uni, ont eu des politiques plus volontaires, imaginatives et durables.  Aussi cruelles sans doute, mais plus pragmatiques ou suivies.

Petite revanche pour la France et la langue française, le traité de paix entre la Grande Bretagne et ses anciennes colonies américaines qui allaient former les USA fut signé à Paris ( !) et rédigé en français en 1783, sept ans après la victoire des troupes américaines aidées par La Fayette et Rochambeau… Le traité cite avec un certain mépris « les dits Etats-Unis »… On peut y voir une conséquence immédiate de cette Guerre de Sept ans car l’Angleterre ruinée elle aussi voulait faire payer à sa colonie américaine une partie de ses dettes, ce qui a déclenché, entre autres raisons, la Déclaration d’indépendance américaine en 1776… En 1763, la France avait perdu tout son empire colonial. Dix ans plus tard le Royaume Uni perdit toutes ses colonies américaines, sauf le Canada.

Et les USA, au sein desquels beaucoup restaient de cœur avec le Royaume Uni, allaient se bâtir sur le célèbre pamphlet de Tomais Peine, un ami de Benjamin Franklin : « « Un seul honnête homme est plus précieux à la société et au regard de Dieu que tous les bandits couronnés qui ont jamais existé ». Ce sera la base de la Déclaration d’indépendance.

Mais l’histoire de la Louisiane ne s’arrête pas là.


La rétrocession de la Louisiane à la France


Avec la victoire de Marengo en juin 1800, Bonaparte est en situation de forcer Charles IV d’Espagne à rendre la Louisiane à la France. De son côté, il rend la Toscane et Parme… Mais cet accord doit rester secret car la France et le Royaume Uni sont de nouveau en tension ou en guerre.

Des négociations secrètes menées par Talleyrand préparaient le terrain à une vente de la Louisiane aux USA.


La Vente de la Louisiane aux USA


Pour Bonaparte, le choix apparaissait clair. Les Anglais menaçaient par bateau la Nouvelle Orléans pour récupérer la partie occidentale puisqu’ils avaient perdu la partie orientale. Rien que de janvier à avril 1803, la marine britannique avait arraisonné 1200 navires de commerce français et hollandais, sans déclaration de guerre, ce qui constituait une très forte menace. La France avait été mal en point à Saint Domingue (Haïti) et n’avait pas les moyens de lancer une grande expédition maritime. De son côté, le très francophile président Jefferson avait fait savoir que si la France reprenait vraiment possession de la Louisiane, en empêchant la future Conquête de l’Ouest, il était prêt à s’allier avec ses anciens ennemis les Anglais. Etait-ce un bluff ?

Bonaparte eut la sagesse d’accepter l’idée de vendre au nouvel état américain. Mais son coupe de génie fut de proposer la totalité de la Louisiane française (correspondant à treize à quinze états américains) ? On a tout dit du prix. Trop élevé pour les uns, trop bas pour les autres. Il correspondait quand même à une fois et demi le PIB des USA de l’époque et les Américains durent emprunter à des banques… anglaises.

Accords secrets, menaces discrètes, contournemenst des parlements et des autorités légales permirent d’aboutir à une signature qui permettait à la France de toucher une grosse somme tout en coupant l’herbe sous le pied aux anglais.

Voici en quels termes Bonaparte annonça sa décision à ses ministres :

« Je connais tout le prix de la Louisiane et j'ai voulu réparer la faute du négociateur français qui l'a abandonnée. Quelques lignes d'un traité me l'ont rendue et à peine je l'ai recouvrée que je dois m'attendre à la perdre. Les Anglais ont réussi à prendre à la France le Canada, le Cap-Breton, Terre-Neuve, la Nouvelle-Écosse et les plus riches parties de l'Asie. Ils sont maintenant en train d'exciter des troubles à Saint-Domingue. Ils n'auront pas le Mississippi qu'ils convoitent. Je songe à le céder aux États-Unis. Je considère la colonie comme perdue et il me semble que, dans les mains de cette puissance naissante, elle sera plus utile à la politique et même au commerce de la France que si je tentais de la garder. »

Il ajouta devant d’autres témoins qu’il voulait  : « donner à l'Angleterre une rivale maritime qui, tôt ou tard, abaissera son orgueil». Quand on connaît la suite, c’était assez bien vu !

Avec l’argent de la vente, Bonaparte, devenu Napoléon avait les moyens de dominer toute l’Europe à partir de 1805.

On peut finir d’un sourire en soulignant que les noms d’une dizaine d’Etats américains ont repris les noms donnés par les Français à partir des dénominations amérindiennes (Illinois, Ohio, Dakota, Minnesota, Nebraska, Oklahoma, Kansas, Arkansas, Missouri, Mississippi.). A l’inverse, dans le traité de vente, les intérêts des Louisianais français sont garantis mais sans aucune mention sur la langue. Et de fait, ce fut une érosion, lente jusqu’au XX ème siècle et très rapide ensuite.

Les 43 000 Louisianais, quasiment tous francophones allaient devenir 4,5 millions deux siècles plus tard, et avec 400 à 500 000 francophones…


La Louisiane : un concentré de melting pot ?


Le melting pot, le brassage, la mixité sociale, le mélange des cultures, des traditions et des mœurs tout en conservant les identités via le communautarisme si nécessaire est constitutif des USA. C’est l’appellation classique du mode de vie américain depuis la pièce de Israel Zangwill parue en 1908 qu’on a traduite en français par « Le creuset », exprimant l’idée d’une fusion de tous les arrivants dans des valeurs communes. On peut aussi faire référence aux idées exposés par Tocqueville dans « De la démocratie en Amérique » en 1840 pour comprendre l’équilibre entre responsabilité et liberté.

Bref, nous étions curieux d’observer les Louisianais.

La réponse est venue immédiatement : ce sont avant tout des Américains : on le constate par la langue… et les voitures (plus de ¾ de pick-up selon les statistiques officielles).

Certes, la Louisiane fut française, puis espagnole, sans que jamais la couronne ibérique n’impose grand chose en matière politique ou culturelle. Elle redevint française quelques semaines jusqu’à ce qu’elle entre dans les  USA en  décembre 1803 en doublant la taille du pays de l’époque et grâce à un accord entre Bonaparte et Jefferson qui contournait les parlements respectifs. Elle est officiellement entrée dans l’Union qu’en 1812 avec sa propre constitution, modifiée plus de 500 fois avant 1974…


En demandant son concours à John Law, d’origine écossaise, mais parlant notre langue et possédant des biens en France, la Régence de 1715, s’orienta d’une part vers sa politique économique bien connue mais de l’autre vers l’envoi – un peu forcé – de populations issues de basses couches sociales tels que des vagabonds et des prostituées. Devant le peu de réussite de l’entreprise, il recourut ensuite à des Allemands en les séduisant avec des brochures leur vantant les charmes du pays… 4000 se rendirent à Lorient pour tenter l’aventure et seuls 300 rescapés débarquèrent à la Nouvelle Orléans – tous les autres étant morts avant ou pendant la traversée… On mesure la difficulté qu’ont dû endurer ces colons…

Après la déconfiture de John Law, la Compagnie des Indes s’engagea dans une politique résolument esclavagiste . Dès 1719, les premiers bateaux arrivèrent d’Afrique en développant la traite depuis l’Afrique Noire.


Sur l’esclavage


Quand on relit les chroniques du temps, on est frappé de l’insistance des témoins sur l’extrême difficulté de travailler sous ces climats entre la chaleur, l’humidité, les fièvres et les insectes. Ayant essayé de faire travailler les  autochtones, mais sans grandes réussites, l’idée d’aller chercher des « spécialistes » est venue. Il faut dire que la France du XVII ème siècle était opposée à l’esclavage, à commencer par le Roi Soleil. Et c’est au début par petites quantités que les colons français ont eu recours à cette abomination. Le cynisme peut aussi  se manifester avec le raisonnement »puisque mon voisin, de préférence anglais, le fait… »

Il faut savoir que les prix des esclaves était très élevés (de l’ordre d’une année de salaire moyen d’un ouvrier blanc), d’où leur faible nombre au début. L’espérance de vie au travail n’était que d’une dizaine d’années, ce qui obligeait à les « remplacer ». Même si le Code noir, promulgué en 1685, année de la Révocation de l’Edit de Nantes, essayait d’humaniser – un peu - les relations, il ne fut appliqué que partiellement, au hasard des maîtres et des contrôleurs. Sauf en ce qui concernait la religion avec le jour de repos dominical pour aller à la messe, les baptêmes et les mariages. La religion s’en accommodait car elle gagnait de nouveaux croyants. Et de fait, les prêtres ont souvent déclaré que les femmes autochtones ou métisses enseignaient mieux le respect religieux que les colons français à leurs enfants.

Vis à vis des Amérindiens, comme on l’a dit, ce fut un assez large métissage, surtout avec les militaires, qui déjà mariés ou non, prirent une femme autochtone. Ceci influença les assez bonnes relations entre les deux communautés qui se retrouvaient aussi dans le commerce ou la contrebande des peaux. Toutefois, dès 1730, les autorités crurent bon de distinguer les métis légitimes issus d’un mariage, même tardif des métis bâtards.

Malgré toutes ces vicissitudes et tous ces drames, et avec le grand recul du temps qui efface les plaies les plus douloureuses, on peut y voir un moyen d’extension de la langue et de la culture française. Fallait-il le payer ce prix ?


Le Grand Dérangement


Pour en revenir à l’histoire de la Louisiane ; en 1755, les Anglais, déjà propriétaires de l’Acadie depuis 1713 et l’ayant rebaptisé Nouvelle Ecosse, se préparaient à une nouvelle guerre contre notre pays. Pour s’assurer de la sujétion des Acadiens d’origine française sous leur juridiction, ils exigèrent que ceux ci leur fissent un serment d'allégeance, ce qui signifiait de se battre éventuellement contre les troupes nationales. Quelques milliers partirent pour les colonies françaises voisines, dont le Québec. Le reste, environ 7 à 8 000 personnes furent transplantées de force pour les répartir par petits groupes dans dans les Treize colonies anglaises qui allaient constituer les Etats Unis après l’indépendance de 1776/1784.

Une petite partie de ces exilés s’enfuit de sa destination, le Maryland afin de descendre en Louisiane, constituant la première implantation acadienne dans le sud du territoire américain. Ils s’installèrent dans les marais en vivant de chasse et de pèche (leur lointaine expériences des marais poitevins leur servit-elle ? on peut penser que non tant les conditions climatiques sont différentes).  Les historiens estiment leur nombre à environ – et seulement – 300 personnes d’après les derniers travaux de recherche. Il faut dire que le voyage fut long, dangereux, ruineux et épuisant tant les conditions étaient épouvantables.

Ils furent rejoints plus tard par des aristocrates ou des royalistes français fuyant la Révolution, important avec eux une culture orientée vers l’architecture, la décoration ou l’opéra, d’où des traces sensibles et toujours visibles dans l’histoire louisianaise.

Mais, ces malheureux Acadiens, déportés de la Nouvelle Ecosse dans le Maryland, quittant celui ci pour la Louisiane alors française ne savaient pas que peu de temps après leur arrivé en 1755 ou 56, que cette possession deviendrait espagnole en 1763 et le resterait jusqu’en 1800 avant de devenir américaine…

Heureusement, la couronne espagnole, occupée par d’autre sujets, leur laissa une relative quiétude et l’usage de leur langue.

Pour les Français et les francophones, ce Grand Dérangement,  a marqué le début de l’histoire des Cajuns comme ancêtres directs des Acadiens et avant eux des colons français au Canada. D’où les liens qui semblent se resserrer aujourd’hui sous l’aune de la francophonie entre le Québec et la Louisiane.

Les traditions cajuns ont conservé le souvenir d’Evangeline, l'héroïne du poète Longfellow, et le rebelle Joseph Broussard, dit Beausoleil. La cuisine, la musique et quelques mots sont aujourd’hui bien vivaces et la tendance mondiale étant au retour sur ses ravines, rien n’arrêtera ce mouvement.



La période espagnole


La Guerre de Sept ans (1756-1763) entre la France et l’Angleterre et ses 550 000 morts a eu une influence majeure sur l’histoire de la Louisiane et de toute l’Amérique du Nord. En 1760, avec la chute de Québec et la capitulation de Montréal, le rôle stratégique de la Louisiane pour contenir l’expansionnisme des Anglais et des Espagnols ne tenait plus. Avec le traité de Paris (1763) qui allait abandonner le Canada à l’Angleterre, ce rôle stratégique ne tenait plus et la France n’avait pas les moyens de  s’occuper de ces terres lointaines qui ne lui rapportaient rien. Par l’intermédiaire de Choiseul, Louis XV voulait céder la Louisiane à Charles III et aux Espagnols qui n’en voulaient pas. Finalement, un « Pacte de famille entre les membres de la Maison de Bourbon » céda la Louisiane à l’Espagne avec des garanties pour les populations françaises et un prix de six millions de livres en 1762.  Une autre raison avancée par les historiens pour cette curieuse offre tiendrait au fait que la France voulait compenser l’Espagne de l’avoir entrainée à ses côtés dans la Guerre de Sept ans. Un an avant la signature officielle, un traité secret avait scellé l’accord avec les Espagnols de crainte que les Anglais ne s’emparent d’une trop grande partie lors de la signature du futur traité de Paris. La diplomatie parallèle a toujours existé…


Cette histoire est si riche et complexe que nous avons essayé de la clarifier pour nous mêmes et nos lecteurs.

La lecture sera un peu longue mais nous espérons qu’elle vous éclairera :

Pour chaque voyage, nous étudions l’histoire du pays afin de mieux sentir sa culture et ses traditions, d’essayer d’observer des faits saillants et, au retour de mieux comprendre la petite partie de territoire que nous avons visitée.

La méthode a ses limites, mais ce site photo ne veut pas faire les copier/coller incessants de beaucoup trop de blogs de voyages qui n’apprennent rien de bien intéressant pour comprendre les pays que l’on visite.

Voyager, c’est se remettre en question, mieux connaître l’histoire et la géographie et mieux interpréter les choix politiques du passé et d’aujourd’hui.

Dans ce site et dans nos livres interactifs, nous essayons de donner le point de vue que nous retirons de ces voyages, un peu à l’image d’illustres prédécesseurs des siècles passés, et toutes choses différentes par ailleurs. Nous ne nous comparons nullement à eux, tellement leur culture était immense.


Les peuplements d’origine


Les premières traces de peuplement de la côte Est des Etats Unis remontent à au moins 12 000 ans. Au XVI ème siècle, avant la colonisation, les anthropologues estiment que tout le continent nord américain ne devait contenir qu’un million et demi de personnes, dont 220 000 pour la totalité du Canada. Les densités des peuples autochtones étaient donc incroyablement faibles, réparties en tribus indépendantes, parlant des langues distinctes avec des croyances et des coutumes toutes différentes les unes des autres..


Pour la  Louisiane, il y avait peut-être 50 000 autochtone. Et ce faible nombre décrut rapidement. « Les pères jésuites ont estimé que là où les Français s'étaient établis, seuls 15 % des Amérindiens purent  résister aux vingt premières années de la colonisation. Les maladies infectieuses, l'alcoolisme et les guerres tribales suscitées par les Français et les Britanniques au nom de leurs propres intérêts ont décimé les populations autochtones. » (source Université Laval, Montréal, Canada – nou s nous inspirons beaucoup de cette excellente étude). Les colons les dénommèrent Indiens ou Sauvages. Les relations entre les Français et les tribus autochtones peuvent être qualifiées de cordiales selon l’étude citée, ne serait-ce que parce que les Français étant minoritaires, il fallait bien qu’ils trouvent des alliés. De fait, les méthodes espagnoles, très brutales ou britanniques, ouvertement ségrégationnistes pouvaient apparaître bien plus cruelles.

De leur côté, les Anglais se firent aussi des alliés autochtones, essentiellement les Natchez, d’où des combats entre amérindiens pour défendre des adversaires européens colonisateurs et avoir la suprématie sur de vieux ennemis ou rivaux. Un massacre de Français, hommes, femmes et enfants et d’esclaves noirs par les Natchez, alliés des Anglais en 1729 entraîna de lourdes représailles quelques temps après avec la quasi élimination des Natchez et la déportation des survivants vers Saint Domingue, devenu Haiti.


La colonisation française


L’histoire est bien connue : L’explorateur René-Robert Cavelier de La Salle (1643-1687) gagna le confluent de l'Illinois et du Mississippi en 1682, puis donna le nom de Louysiane aux régions traversées durant cette expédition, en l'honneur du roi Louis XIV. Avant lui, d’autres  explorateurs avaient reconnu le Mississipi, dont le premier nom fut le fleuve Colbert.

Les Espagnols étaient venus avant les Français, mais comme ils cherchaient uniquement de l’or, le pays ne les intéressa pas. Le texte officiel donnant naissance à la Louisiane fait explicitement référence à l’accord des populations autochtones… Il affirme avoir bénéficié « du consentement des Chikacha et autres peuples y demeurant, avec qui nous avons fait alliance, comme aussi le long du fleuve Colbert ou Mississippi et rivières qui s'y déchargent, depuis sa naissance au-delà du pays des Sioux ou des Nadouesioux, et ce de leur consentement et des Ohotante, Ilinois, Matsigamea, Akansa, Natchè, Koroa, qui sont les plus considérables nations qui y demeurent, avec qui nous avons fait alliance par nous ou gens de notre part, jusqu'à son embouchure dans la mer ou golfe de Mexique ».

Rappelons que cette Terre de Louisiane descendait du Canada au Golfe du Mexique en allant très à l’Ouest, aux Appalaches, constituant un immense territoire. Le plus étrange de l’affaire était que le Roi Louis XIV et l’essentiel du gouvernement et des financiers désapprouvaient cette colonisation qui coutait beaucoup et ne rapportait rien… En plus, Cavelier de La Salle fut assassiné en 1687 au moment où la France allait s’engager dans une grande guerre de 1688 à 1697 (la Ligue d’Augsbourg) contre une dizaine de nations européennes… dont l'Angleterre, le royaume d'Écosse, les Provinces-Unies, le Saint-Empire, le duché de Savoie, l'Espagne, le Portugal, la Suède…

La Louisiane, comme le Canada et d’autres possessions était regroupées dans un immense ensemble dénommé la Nouvelle France, établi au traité d’Utrecht en 1713. Le pouvoir était centralisé à Québec et détenu obligatoirement par un militaire.

Pierre Le Moyne d'Iberville fut gouverneur de la Louisiane de 1699 à 1701 et est considéré le véritable fondateur de la Louisiane au sens où il organisa le territoire. Il plaida pour une occupation française intégrale et pensait qu'un jour les Anglais se saisiraient de toute l'Amérique… On a vu la suite…

Il faut bien comprendre que la colonisation du Nouveau Monde était un combat permanent entre les Français, les Anglais et les Espagnols, que si l’un n’avançait pas quelque part, les autres en profiteraient immédiatement et qu’il y avait toujours des compatriotes à défendre. Ceci limite un peu la présentation expansionniste trop politique qui est faite de cette colonisation. On ne peut lui projeter le modèle de la seconde, au XIX ème siècle, qui possédait clairement des intentions économiques et commerciales. Pour la colonisation (ou la décolonisation), c’est un peu le même débat que le désarmement : on a tous de bonnes intentions. Mais qui commence le premier ?

Par dessus le marché, beaucoup de colons français voulaient rentrer au pays. Ils n’étaient que 16 500 pour toute la Nouvelle France contre 275 000 pour les possessions britanniques. Les jeux étaient faits dès le départ, mais la colonie française allait quand même tenir jusqu’en 1760.

D’Ibreville trouva enfin, par la mer, le débouché du Mississipi, ce qui avait été impossible par la terre, tant le delta est complexe et sa cartographie impossible à établir avec les moyens de l’époque. La géostratégie de la Louisiane allait changer radicalement. Son successeur Jean-Baptiste Le Moyne, continua son œuvre en l’élargissant de sa connaissance des langues locales comme le huron, l'agnier, le chacta, le chicacha… Il fut le seul gouverneur à parler dans leur langue avec ses interlocuteurs et en profita pour étendre la sphère d’influence sur ces populations.

Malgré ses circonstances favorables, la Louisiane n’attirait pas les colons. On craignait le « Malingoin », le mal de la Louisiane : la fièvre jaune, le typhus, la malaria et le choléra, sans oublier les ouragans qui dévastaient régulièrement les côtes, puis les alligators qui hantaient les marais et les rivières, sans parler des couguars, des ours, des reptiles, des moustiques et des Indiens, pas toujours conciliants.

En 1700, on ne comptait que… 27 familles françaises établies… Et beaucoup d’hommes sans femmes disaient les chroniques du temps, lesquels allèrent en chercher auprès des indiennes en commençant un métissage qui allait aboutir à la genèse du peuple créole… Et comme si le manque d’attractivité ne suffisait pas, la Couronne française trouva intelligent d’interdire à 400 huguenots de s’y établir au motif qu’ils voulaient conserver leur liberté de culte… Pendant ce temps, les Britanniques ne cessaient de faire venir de nouvelles recrues protestantes parlant le français (plus de 200 000). Juste avant 1756, il y avait beaucoup plus de huguenots parlant français sous domination anglaise que de francophones en Louisiane française (90 000). Erreur tragique due à l’obsession antiprotestante à partir de 1685.