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Jean-Luc Michel

Ciel, un ordinateur !

De l'EAO aux technologies didactiques

 

 

Le Congrès International d'E.A.O., réuni sous les auspices du V.l.D.C.O.M. (1 ) permit de recueillir des informations précieuses sur l'avancement de tout ce que l'on regroupe sous le signe générique E.A.O., aussi bien dans le domaine des formations permanentes et professionnelles que dans celui de l'éducation de base.

On pourra regretter l'absence officielle (c'est-à-dire l'absence d'officiels de l'Éducation nationale à ce Congrès), dans lequel intervinrent la plupart des responsables d'opérations importantes d'informatisation (Agence de l'informatique, Musée de la Villette, etc.).

Qu'est-ce qu'un bon programme d'E.A.O. ?

Lorsque l'on est responsable de la formation d'une grande entreprise, I'E.A.O. demeure simplement conçu comme un auxiliaire pédagogique efficace et particulièrement bien adapté au recyclage des connaissances techniques ou professionnelles. Les seules questions que l'on se pose encore ne concernent que l'organisation pratique ou les options pédagogiques. Un responsable de formation ne semble pas avoir d'état d'âme vis- avis de l'informatique, principalement parce qu'il se contente de transmettre des savoirs unidimensionnels découpables en sous-ensembles simples et non pas de la culture vivante, complexe, multiforme, et multidimensionnelle.

C'est ce qui justifie les nombreuses interventions sur l'architecture des systèmes, les réseaux, les grappes, les connections entre serveurs de données, etc.

En revanche, lorsque le P.D.G. de DIDAOTEL (entreprise créée avec l'aide affectueuse de la Direction générale des Télécommunications) décrit le fonctionnement actuel et futur de son réseau, les enseignants que nous sommes se trouvent directement interpellés.

La clientèle de DIDAOTEL est en effet constituée de parents d'élèves (qui paient un abonnement de 900 F par an), et d'élèves qui consomment du temps machine sur leur terminal minitel, transformé pour la circonstance en cahier de révision. Le créneau choisi par cette jeune société consiste à proposer aux familles un répétiteur à domicile pour un tarif bien plus faible (selon ses promoteurs), et avec une efficacité bien supérieure (toujours selon eux), à ce que peut offrir une leçon particulière.

L'expérimentation de Vélizy permit entre autres études, d'analyser les appels au serveur de DIDAOTEL. En voici quelques résultats :

Les heures de pointe ont été répertoriées (17 à 22 heures en semaine), ainsi que les périodes creuses: le mercredi et le dimanche !!! (encore heureux que les enfants ne soient pas cloués devant leur récepteur pendant leurs jours de loisir...). On a même pu calculer la durée moyenne des appels, environ 10 à 15 minutes (mais attention, il faut de toutes façons payer la communication téléphonique).

Les qualités d'un bon didacticiel consultable à distance par des non- spécialistes apparaissent bien cernées. Il faut d'abord respecter, l'" appeleur " (qui est une catéporie particulière d'apprenant, exerçant son activité loin des autres), ensuite il faut bien le connaître et lui permettre d'interrompre les exercices en cours à tout moment, puis de les reprendre quand bon lui semble. Il importe aussi que le programme soit bien documenté (c'est-à-dire bien commenté), tout en permettant un suivi pédagogique facile, notamment en mémorisant systématiquement toutes les réponses afin de pouvoir les analyser et de perfectionner le programme initial.A terme, chaque école pourrait posséder son serveur sur lequel viendraient se connecter les élèves à mesure de leurs besoins...

Pour la plupart des participants, il n'y a pas de différence absolue entre un bon didacticiel grand public et un bon programme scolaire, de même qu'à leurs yeux il ne devrait pas y avoir de cloison étanche. Tous s'entendent pour reconnaître qu'un produit éducatif, même émanant de chez un éditeur privé, devrait subir des tests dans le monde institutionnel vraisemblablement pour y acquérir grâce à une opération mystérieuse, un vernis de respectabilité ou de qualité pédagogique garante. S'ils se sont évidemment penchés sur la question, car elle brûlait les esprits, aucun des intervenants n'a ouvertement proposé une alternative à l'école en prétendant par exemple qu'avec les réseaux, il serait désormais très facile d'apprendre chez soi...

Des super-productions d'E.A.O. ?

Une des communications à nos yeux les plus importantes de ce Congrès fut celle d'Alfred BORK, Professeur au Centre des Technologies d'Enseignement à l'Université de Californie.

Sa philosophie est simple, mais pourtant assez révolutionnaire dans le domaine de ce qu'il reste encore convenu d'appeler l'enseignement programmé. Alfred BORK défend la conception selon laquelle il faut que !es étudiants (ou !es élèves) travaillent comme des scientifiques, en prévoyant les conséquences de leurs travaux et en fabriquant eux- mêmes des notions nouvelles et opératoires, ce qui impose alors un réexamen détaille de l'approche de l'E.A.O., avec entre autres l'abandon complet et définitif des Q.C.M. Quant à la formation des enseignants, elle ne peut se réaliser selon A. BORK qu'avec un recours massif à l'ordinateur, en raison de la masse énorme de nouveaux documents que chacun se voit contraint d'absorber s'il ne veut pas se scléroser. On peut bien sûr imaginer une sorte de Banque de données pédagogiques, leur permettant de retrouver des études de cas tout en leur offrant la possibilité d'actualiser leurs connaissances en temps réel (un peu comme le font les médecins).

Des méthodologies de réalisation de didacticiels

Alfred BORK profita du Congrès pour dresser un résumé de la manière dont il conseille !a réalisation de véritables progiciels pédagogiques livrés clés en main.

1) Il faut d'abord prendre la décision de réaliser un logiciel (on reconnaît bien là certains des préambules de l'ingénierie).

2) Réunion d'experts internationaux pendant quelques jours afin de définir des modules de formation.

3) Révisions par d'autres experts des propositions des premiers...

4)Concertation pédagogique détaillée, cahier des charges, etc.

5) Rédaction d'un script (cette démarche rappelle étrangement celle qui consiste à réaliser une production audiovisuelle). Les spécialistes réunis pour la circonstance ne sont évidemment pas des informaticiens.

6) Élaboration des affichages sur écrans. Partant de la constatation que la plupart des programmes d'E.A.O. présentent des gestions d'écrans trop difficiles à lire ou bien n'utilisant pas du tout les possibilités graphiques des ordinateurs, A. BORK recommande que l'on s'entoure de graphistes, de maquettistes, afin de toujours présenter des écrans agréables, faciles à !ire et permettant déjà de mémoriser aisément les notions importantes par la seule mise en pages, !a présence de lignes courtes, de phrases naturelles et inscrites un temps suffisant.

7)Étape de vérification générale des écrans, des graphismes, de la logique de progression...

8) Planification de l'encodage. Ce n'est qu'à cette étape que l'on détermine le langage informatique à utiliser. Selon A. BORK, plus de 80% de ses logiciels ne peuvent tenir N dans un langage d'auteur (...). Il utilise alternativement PASCAL ou ADA, et précise qu'un programme courant reprécente souvent jusqu'à 15 000 lignes d'instructions en PASCAL !

9) Nouvelle révision (sur !e programme en cours d'encodage). On remarquera le nombre très élevé de vérifications absolument indispensables dans le cas de logiciels très complexes.

10)Réalisation pratique de l'encodage (c'est-à-dire de la programmation), en veillant à ce que les instructions puissent être lues, interprétées et modifiées facilement, afin de pouvoir s'adapter sur d'autres matériels.

11)Vérification des programmes et sous programmes.

12)Évaluation et amélioration en fonction de résultats testés sur Ie terrain.

Après cette présentation de la méthodologie mise en œuvre à l'Université de Californie, A. BORK décrivit rapidement quelques-uns des grands projets de mise au point de programmes scolaires. Il évoqua notamment un énorme travail mené chez I.B.M. visant à apprendre à lire et à écrire dès le jardin d'enfants ou la maternelle. I.B.M. y aurait déjà consacré quelques millions de dollars, et afin de rentabiliser ses investissements, il serait d'ores et déjà prévu d'exporter aux quatre coins du monde des didacticiels de ce genre, et ce, d'autant plus facilement, qu'ils auraient été construits en fonction de possibilités de changements de langues et d'adaptation aux réalités locales…

En répondant aux nombreuses questions que son intention ne manqua pas de susciter, A BORK affirma que le rôle et la mission de l'école allaient très fortement changer dans les deux décennies à venir (au moins aux U.S.A.) et durerait toujours, ne serait-ce que pour remplir des tâches que l'ordinateur ne saura jamais accomplir...

En ce qui concerne l'avenir des méthodes basées sur le langage LOGO, il se montra plus que réservé, en insistant sur ce qu'il appela le désastre des maths par LOGO notamment par le manque d'exercices valables, même en mathématique.

Interaction entre l'informatique et l'audiovisuel

Pour David BACKER du Massessuchet's Institute of Technology (le M.l.T.), le couplage entre un micro-ordinateur et un lecteur de vidéodisque ne pose plus aucun problème depuis longtemps mais lui permet de proposer son extraordinaire livre électronique.

Imaginez un livre électronique dont vous pouvez bien sûr tourner !es pages, mettre en mémoire les détails qui vous intéressent et les retrouver, mais surtout doué de deux facultés assez étonnantes:

D'abord, un texte dynamique qui change de couleur à mesure que vous lisez pour vous signaler les passages importants, tout en étant capable simultanément de vous interroger sur ce que vous venez de !ire, et de vous le réexpliquer en vous offrant plusieurs niveaux de difficulté... Ensuite, sur chaque page de votre livre, apparaissent des images, lesquelles ont la particularité étonnante de pouvoir s'animer, en vue par vue, en ralenti cinématographique, ou en projection à la cadence normale, pendant que le texte en regard s'anime lui aussi en suivant votre examen de l'image. Naturellement, les images peuvent devenir muettes, et le texte devenir interrogatif pour contrôler votre compréhension et votre assimilation...

De tels outils restent encore expérimentaux (bien que D. BACKER se déclare prêt à vendre son système...), mais il nous semble utile de les intégrer à notre réflexion sur les technologies didactiques.

Regrettons une fois de plus qu'en ce qui concerne le vidéodisque, THOMSON, notre constructeur "national", ait abandonné complètement la fabrication du modèle pourtant attractif qu'il avait mis au point il y a cinq ans...

 

 

 

(1 ) Video international Communication Market.

A N° 16 (28-1-1984)

 

 

Jean-Luc MICHEL

Janvier 1984

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Articles de vulgarisation

Commentaire

L'EAO n'avait pas bonne presse. Il dérangeait trop et faisait peur…

Dans cet article de l'Ecole Libératrice, j'ai pu exposer pour la première fois en France (en janvier 1984) une méthodologie complète de réalisation de progiciels professionnels n'ayant rien à voir avec les aimables plaisanteries disponibles à l'époque dans notre beau pays. On repérera tout de suite que l'ampleur du travail rappelle étrangement celle qui est mise en œuvre pour les jeux vidéo ou informatique.

Dans le même article j'offrai aux lecteurs la primeur du système révolutionnaire de David Backer, inspiré du Xanadu de Ted Nelson et autres livres électroniques qui vont bien finir par sortir lorsque l'informatique fera enfin de nouveaux et réels progrès comme le Lisa en 1982 et le Macintosh en 1984 !!! Cf. mon petit site Apple passion.

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