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Jean-Luc Michel

Le CDI, une base locale de données

 

LES CDI AU COEUR DE LA MODERNISATION DE LA SOCIÉTÉ

En plus de leur mission traditionnelle consistant à mettre à la disposition des élèves et des enseignants le maximum de documents sur le plus grand nombre de sujets les C.D.I. doivent assurer une initiation à la recherche documentaire sur différents supports. Plus généralement, ils devraient être des lieux dans lesquels s'élaborent des techniques de gestion des projets et de travail en équipes interdisciplinaires, tout en permettant à ceux des élèves qui s'expriment le moins souvent en classe d'y trouver des moyens d'acquisition des connaissances, ainsi que des méthodes de communication de ces connaissances. Pour que cette action prioritaire des centres de documentation et d'information s'inscrive bien dans la réalité actuelle, il apparaît tout à fait indispensable qu'on les conçoive comme des bases locales de données, reliées à des réseaux fortement interactifs. Cette volonté implique des choix, tant dans l'achat des matériels (ordinateurs mini serveurs modulateurs), ou des logiciels (langages d'accès et procédures d'indexation), que vis à vis de la formation des documentalistes et des enseignants utilisateurs.

LE BON MOMENT ?..

Alors qu'il existe encore beaucoup d'établissements du second degré non dotés en C.D.I., et que très peu d'écoles en abritent, la question de leur équipement informatique peut apparaître comme légèrement prématurée, l'action prioritaire consistant tout naturellement à doter tous les établissements scolaires de centres de ressources bien fournis en documents classiques avec dans un premier temps des livres et des revues, suivis dans une seconde étape de diapositives, de disques ou de cassettes, ou encore de films Super 8 ou de vidéogrammes. Si dans l'ensemble, le coût architectural proprement dit n'avait pas été trop sous évalué, il faut reconnaître que les crédits de première dotation et de remise à jour furent un peu oubliés (les exemples ne manquent pas...). Qu'en serait il en rajoutant des frais importants d'équipements ultra modernes ? Que faire dans un contexte de pénurie ? Et en particulier, doit on envisager une extension des activités habituelles des C.D.I. vers des applications télématiques ? Vaut il mieux compléter l'équipement des centres semi opérationnels là où ils existent déjà, ou finir l'installation de locaux dans tous les établissements scolaires de l'hexagone ? La réflexion semble en cours, et comme il ne saurait être question de faire tout, tout de suite » quelles priorités pourrait on envisager ?

LE BON CHOIX !...

Au risque de passer pour péremptoires et sommaires, nous ne pourrons, dans le cadre limité de ces chroniques, que mentionner rapidement les principaux axes d'une politique que nous souhaitons globale. Aussi nous contenterons nous d'ébaucher une méthode d'approche du problème des choix en période de vaches maigres et dans un contexte de compétition future entre l'institution scolaire avec ce que nous avons dénommé l'école concurrente (1):

1) En guise de préalable, il nous semble que toute politique d'équipement devrait être basée sur un large effort de formation multimédia destinée à replacer l'Éducation nationale dans son rôle de pôle moteur d'une société de communication. De ce point de vue, le système éducatif devrait profiter des qualités de déontologie, de non emballement (et non pas de conservatisme !...), de recul critique qu'une partie de l'opinion publique lui prête encore (et pour combien de temps?...) dans le but ambitieux de construire des méthodes d'appropriation et de distanciation des technologies de communication, de structurer les nouveaux savoirs, et d'offrir des alternatives attractives et crédibles à la formation complète ou multidimensionnelle des citoyens de demain (2).

2) Ce repositionnement du rôle de l'école devrait s'inscrire dans une mise en perspective télématique de ses finalités sociales, culturelles et économiques. Dans cette optique, le centre de documentation et d'information devrait devenir un véritable centre de ressources local diffusant ses informations en dehors de ses murs (ou de son réseau intérieur), tout en n'hésitant pas à recevoir le flux extérieur diffusé en permanence par les multiples circuits de la communication. Cette conception s'inscrit dans le droit fil de l'ouverture de l'école sur la vie, telle que l'a tracée le congrès pédagogique de juin 1982. Naturellement, les informations recues de cet extérieur y seraient analysées, disséquées, démontées ou décodées, afin d'apprendre fonctionnellement aux futurs citoyens les modalités de la mise en forme des messages.

3) Le contexte général d'échanges intensifs d'informations les plus diverses va exiger une efficacité grandissante de l'institution scolaire, au moins du point de vue de la formation aux techniques de représentation du réel. A ce titre, il apparaît indispensable de faire en sorte que les établissements ne restent pas en retard de l'évolution technologique, sous peine de prendre le risque de se trouver marginalisés, voire exclus.

4) Cette politique d'équipements informatiques et télématiques devrait s'articuler sur deux dotations bien distinctes, concernant aussi bien les constructions neuves que les mises aux normes d'établissements anciens :

a) Un équipement de base, comprenant notamment la création (ou l'aménagement) de locaux suffisamment vastes et fonctionnellement adaptés à un usage pédagogique intensif, ainsi qu'une première dotation en documents écrits et audiovisuels. L'ensemble devant se trouver immédiatement opérationnel pour tous les usagers (élèves et enseignants) dès l'ouverture du centre de ressources. Une ligne budgétaire spéciale devrait évidemment permettre le renouvellement, ou la mise à jour légère des documents. Le financement proviendrait des mêmes sources (nationales, régionales ou départementales) que celles impliquées dans la fondation puis dans la gestion de l'établissement.

b) Un équipement optionnel de complément laissé au libre choix de l'établissement et faisant l'objet d'un projet pédagogique détaillé. Les modalités du choix telles que par exemple les relations entre la ou les équipes pédagogiques et le conseil d'établissement devant faire l'objet d'un examen très attentif fixant bien les limites de compétences, d'initiatives et de responsabilités, afin d'éviter tout risque de dérapage vers des équipements à la mode visant à favoriser l'éclosion de vitrines pédagogiques cachant la misère de l'institution entière. S'agissant de projets par nature décentralisés, le financement serait obligatoirement local, départemental ou régional en fonction de l'importance du coût des dossiers. A condition de s'entourer de garanties suffisantes, des montages financiers ne seraient nullement exclus entre les divers partenaires du système éducatif.

5) La souplesse de l'informatique devrait constituer un élément de taille dans la détermination du choix des priorités : Puisqu'il ne saurait être question d'équiper chaque établissement d'un mini serveur lui permettant de diffuser ses informations dans son secteur (géographique par exemple) il faudrait bien se résoudre à choisir lesquels recevraient la dotation. Il suffirait d'imaginer des réseaux locaux d'établissements dont chacun d'eux serait à tout moment et alternativement émetteur, via un serveur central (que ce soit dans le quartier, dans la ville, dans le district, dans l'arrondissement...) ou un simple consultant (au moyen des classiques Minitels). Un établissement de base se chargerait de l'entretien du serveur de données, ainsi que de la mise en page des pages écrans. En conclusion, nous pensons qu'un retard ancien ne devrait pas générer un retard futur... Ou en d'autres termes, que les C.D.I. à installer devraient systématiquement faire l'objet d'une pré organisation informatique leur permettant de devenir très vite opérationnels en tant que serveurs locaux de données.

(à suivre)

Jean Luc MICHEL

(l) cf. E.L.n°4 du 8.10.83, p. 12.

(2) cf. E.L. n° 14 du 14.1.84, p. 12. LE CDI, UNE BASE LOCALE DE DONNEES ?

 

LES RESEAUX PENSANTS...

Après avoir défini le contexte dans lequel il convenait à notre avis de replacer le rôle des Centres de Documentation et d'Information, compte tenu des développements télématiques prévisibles, nous examinerons cette semaine plus en détail ce que pourraient devenir ces CDI de l'avenir.

UN MEILLEUR SERVICE

Si l'on ne concevait un Centre de Documentation et d'Information qu'en termes de gestion de flux d'entrée et de sortie de documents, de recherches bibliographiques ou iconographiques, la décision d'utiliser un ordinateur ne devrait etre prise qu'en considération de critères purement techniques tenant entre autres au volume des fichiers, au nombre de consultation, et aux clés de tri... On s'en doutera, cette approche nous semble beaucoup trop réductrice, car l'introduction d'un ordinateur dans un CDI devrait se concevoir en termes pédagogiques et éducatifs (1). En fait, l'apparition de l'informatique risque de modifier le fonctionnement meme du CDI. A ce titre, des expérimentations pourraient dores et déjà etre engagées, afin de d'étudier les relations du CDI, concu alors comme un coeur pédagogique, avec le reste de l'établissement.

Les possibilités propres à l'outil seraient dès lors pleinement utilisées : instantanéité, aide personnalisée, sélections multi-critères, recherche arborescente ou par mots clés, etc. On constaterait vraissemblablement de la sorte une augmentation en quantité et en qualité du nombre de questions adressées au système, notamment grace à l'impact interactif du dialogue avec l'ordinateur (lequel demandera alors de préciser sa question et guidera son utilisateur dans sa recherche documentaire). Dans la configuration la moins élaborée les questionneurs auraient seulement accès aux titres correspondants aux thèmes découverts au cours du dialogue de recherche, à l'exception de ceux des domaines connexes. Dans une configuration plus élaborée, demandant encore plus de place en mémoire centrale, il serait possible d'obtenir, outre les titres sélectionnés et leurs diverses références connexes, un résumé détaillé et des commentaires éventuels sur le sujet cherché, à l'instar de ce qui se pratique avec des banques de données professionnelles (2). Le service rendu ne s'arrète évidemment pas aux consultations dans le CDI local. Au micro-ordinateur chargé du tri et de la recherche rapide des références, on peut en effet adjoindre un serveur local et un modulateur démodulateur (MODEM). Ces appareils se chargeraient d'assurer la communication téléphonique avec d'autres systèmes télématiques simples, du genre des actuels MINITELS. Rien n'empêchera ces terminaux (pas même leur cout puisqu'ils seront gratuits..) de se voir installés en grand nombre dans les CDI de tous les établissements de la région, ou bien directement au domicile des élèves. Ceci constitue l'argument le plus important du point de vue d'un repositionnement obligatoire de l'institution scolaire dans ce que l'on a coutume d'appeler les sociétés post-industrielles de la communication. Cette évolution inéluctable offrirait entre autres attraits de pouvoir interroger de n'importe ou n'importe quelle base locale de données, que celle ci se situe à l'intérieur d'un établissement scolaire ou à l'extérieur, en concurrence directe avec l'école (4). Les interrogations pouvant naturellement se dérouler depuis un autre collège, une autre école, mais aussi directement depuis le domicile des élèves... (5). Science fiction ? Certainement pas, puisqu'à l'occasion du récent colloque INFORMATIQUE ET ENSEIGNEMENT, le Ministre des PTT a officiellent annoncé son intention de mettre à la disposition de la Région Nord Pas de Calais, un parc de 1500 Minitels gratuits destinées en premier lieu aux établissements scolaires. Une amorce de réseaux éducatifs semble ainsi ébauchée, à charge pour les enseignants de les nourrir, autrement dit de communiquer des informations, des documents au serveur local (3) et d'initier (rapidement) leurs élèves l'interrogation des banques de données, voire à les remplir...

LES CDI ET LES RESEAUX PENSANTS

L'informatique n'est qu'un réseau entre les hommes, mais c'est un réseau pensant... En d'autres termes, il s'agit d'un réseau qui ne transmet pas n'importe quoi, mais des données, du savoir, des connaissances qu'il faut trier, ordonner, classer, coder et décoder en ayant recours à des procédures que l'école ferait bien d'enseigner avant qu'il ne soit trop tard et que d'autres manipulateurs d'informations ne la suppléent d'abord, puis ne la remplace ensuite... Si chaque CDI avait la bonne fortune de se trouver transformé en BASE LOCALE DE DONNEES, les utilisateurs de celle-ci ne se réduiraient pas forcément aux élèves de l'école ou à ceux des écoles voisines appartenant au meme réseau. Profitons-en pour rappeler que les consultations se tarifient à la durée et non à la distance, ce qui ne pénalise nullement les établissements éloignés les uns des autres. Outre les élèves, d'autres partenaires devraient etre associées aux futurs réseaux scolaires et universitaires, citons en vrac : 1). Les parents d'élèves, à la fois pour demander de l'information sur les activités socio-culturelles de l'établissement, ou sur des questions diverses d'ordre familial ou social, mais aussi sur les résultats scolaires (carnet de note télématique...). 2). Les élèves et leurs enseignants, les premiers pouvant recourir à la messagerie électronique pour transmettre leurs travaux. 3). Les enseignants entre eux : Chaque serveur local leur permettra de connaitre immédiatement des renseignements de toute nature, utiles à l'exercice de leur profession (BOEN, circulaires, publications, catalogues et commandes de films, de diapositives, etc.).

UN NOUVEAU ROLE POUR LES CDI ?

Il semble donc que la fonction, les objectifs et les méthodes d'intervention des Centres de Documentation et d'Information puisse se redéfinir en tenant compte de l'impact des nouvelles technologies de la communication et du role formateur du visionnement critique et de la manipulation de documents divers. Ce repositionnement viserait entre autres à :

1) Offrir aux élèves, à tous les élèves, et encore plus à ceux qui sont les plus culturellement démunis, un lieu d'acquisition des pratiques documentaires multimédia.

2) Entrainer les élèves à une analyse critique des informations qu'ils recoivent ou qui les assaillent, grace à des exercices de "lectures plurielles", d'analyses de contenu d'articles, de livres, de photos ou de films.

3) Leur fournir des matériaux ordonnés qu'ils pourront à leur guise décoder et recoder selon leurs besoins, leur approche personnelle et ler niveau éventuel d'auto-réintégration culturelle.

4) Leur donner l'occasion de coder eux-memes une petite partie des informations, à destination de groupes semblables aux leurs (du meme établissement, de la meme classe.) ou inconnus (autres écoles ou collèges)...

5) Les amener à un degré de distanciation suffisant c.à.d. libérateur vis à vis des médias. Cette option s'inscrivant dans le fil (élargi) de l'opération JEUNE TELESPECTATEUR ACTIF, en l'élargissant à l'information générale... 6) Donner une finalité plus grande aux travaux traditionnels d'expression individuelle ou collective, par exemple, une bonne enquète, placée sur le serveur de l'établissement, et mise à la disposition des autres élèves via le serveur loué...

(1). Comme par exemple, le système QUESTEL de la société TELESYSTEMES qui contient 150 millions de références sur des sujets très divers (jurisprudence des tribunaux, brevets internationaux de chimie, de mécanique, etc.). Le cout de la consultation atteint, selon la rareté des informations, de 300 à 700 F de l'heure. La plupart des réponses s'obtiennent en un dizaine de minutes, soit pour un montant compris entre 50 et 100 F, ce qui apparait cher pour une "petite" consultation, mais très modique pour une recherche bibliothéquaire un tant soi peu importante.

(2). Un mini-serveur de puissance moyenne ne coute guère plus de 40000 F (il en coutait 400 000 F il y 10 ans...). Il demeure conseillé de se regrouper pour utiliser un tel système, ou bien d'attendre que les prix continuent de baisser... On doit de plus prévoir une composeuse de textes et d'images vidéotex (un scripteur) dont on aura intéret à louer l'exploitation en se répartissant son usage au plan académique ou départemental.

(3). Ceci semble dÕautant plus vrai que le cout de l'informatisation complète des CDI et celui leur transformation en base locale de données apparaissent pour le moment encore assez élevés..

(à suivre) Jean-Luc MICHEL

L'École libératrice - 28 avril 1984

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Articles de vulgarisation

Commentaire

Article paru le 14 avril 1984 (!!) présentant une orientation stratégique pour les CDI (Centres de documentation et d'information des établissments scolaires) alors en pleine rénovation. Cet article s'adressait évidemment aux lecteurs de l'Ecole libératrice (350 000 exemplaires) mais aussi aux responsables politiques de l'époque, notamment au ministre de l'Education nationale (J.-P. Chevènement) pour le presser de moderniser les structures.

Avec le recul du temps et les connexions à Internet, le retard de l'institution scolaire et son incapacité chronique n'apparaîtront que plus grands. Que de belles et grandes choses eussent pu être faites ! Et que de redites jusque dans les propos actuels de nos "responsables".

 

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